Cultivons la curiosité
Parfois, je vais au cinéma parce que voilà, j'ai décidé de voir un film en salle obscure. Sans vraiment me dire que je veux voir ce film et pas un autre. C'est souvent la programmation assez pauvre de mon cinéma de campagne qui veut cela. N'ayant pas envie de voir "Alad' 2", même si j'ai plutôt apprécié "Les nouvelles aventures d'Aladin", il ne me restait plus grand chose à voir. Sachant que pour "Le monde de Dory" j'avais fait un sondage n'ayant quasiment pas de participant.e.s, j'ai décidé d'aller voir ce que peut donner un réalisateur Français dans le genre Western.
Alors petit un, ne faites pas la même erreur que moi, Jacques Audiard est le fils de Michel Audiard. Le fils du réalisateur des "Tontons Flingueurs", voilà, ce n'est pas Michel, mais Jacques. Oui, j'ai cru que c'était le réalisateur de moult films français qui était derrière la caméra. C'est dire mon niveau concernant le cinéma français. Ensuite, nous sommes face à un film se déroulant comme un Western, mais à la bande son surprenante, tout comme l'histoire.
"Les frères Sisters", le nom est plus rigolo en version originale "The Sisters Brothers", soit les frères sœurs si on traduit complétement le titre sans rien y comprendre. Donc les frangins Sisters sont des chasseurs de prime particulièrement efficaces et aimés par le Commodore, une organisation dirigée par le Commodore. Merde, en fait c'est juste un mec tout puissant qui engage des mercenaires pour accomplir des basses besognes, comme abattre quiconque l'emmerde un peu trop. Eli (John C. Reilly), l'aîné, et Charlie (Joaquim Phœnix), le benjamin, sont donc à la botte du Commodore. Ce qui déplait au plus âgé des frères, qui songe sérieusement à raccrocher. Surtout que le Commodore semble se foutre de lui, en lui refilant une vieille carne à la place d'un cheval. Pire, il demandera à ce qu'un chef soit désigné dans le duo, ce que Charlie accepte.
Nous allons les suivre à travers les nouveaux U.S.A., partant vers l'Ouest, afin de buter Warm, un emmerdeur du Commodore. Ce dernier a chargé John Morris de ralentir Warm, afin de permettre aux Sisters de le rejoindre et d'accomplir la sombre besogne. Bande annonce.
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Déjà, tout débute de nuit, et voilà le premier éclair, une fusillade est déclenchée, le bruit des six coups est assourdissant pour la spectatrice et le spectateur, surtout que l'on ne voit pas grand chose (la seule lumière provient des pistolets). Ce qui marque fortement, c'est ce bruit. Et les armes à feu feront un bruit impressionnant. Pire que le tonnerre. Et ce, tout le long du film. Finalement, on ne comprend pas bien si les Sisters ont réussi ou échoué, vu que le type à abattre est bien mort, mais les chevaux du Commodore ont péri brulés.
Voilà une délicieuse entrée en matière, où nos oreilles découvriront que ce Western ne sera décidément pas comme les autres. La musique est à l'opposé de ce que l'on attend. Philharmonique mais aussi avec une teinte d'électro. Bon, je dis certainement une connerie, mais les sons musicaux de ce film surprennent. Loin de Morricone, pas d'harmonica, limite pas de guitare ou banjo, bref, nous sommes à l'Ouest de nos attentes, et c'est une agréable surprise j'avoue.
On apprend qui sont les Sisters, Charlie, Eli, le Commodore (Rutger Hauer que l'on aperçoit à peine), et les voilà partis pour une épopée qui les mène vers le Far West. En parallèle, nous allons découvrir le détective Morris (Jake Gyllenhaal) qui surveille Warm (Riz Ahmed). Il se trouve que les deux hommes vont se lier d'amitié, et Morris découvrira la raison de sa mission. Chose que je vous laisse découvrir.
Donc nous allons suivre tout ce petit monde, avec d'un côté Morris / Warm et de l'autre les Sisters. Un voyage qui ne se fera pas sans péripéties. Si pour le premier duo, tout va bien, les frères auront quelques mésaventures assez surprenantes dans ce genre de film. Ainsi, Eli se souviendra de son père, un tortionnaire alcoolique qui, semble-t-il, était un psychopathe. Le cauchemar d'Eli sera sublimement mis en scène, je ne vous raconte pas. On découvrira aussi un événement marquant du passé des frangins, expliquant le caractère de Charlie et pourquoi Eli est bienveillant avec son petit frère.
John C. Reilly offre une sensibilité hors norme à son personnage, qui le rend immédiatement attachant. C'est lui le vrai personnage principal du film, et quand il avalera une mygale en dormant pour se retrouver avec la bouche gonflée le lendemain, la vache, il y a de quoi faire des bonds. Et quand, quelques jours après, il crachera des mini mygales dans une gerbe de sang, je vous raconte pas. Entre les problèmes de bouteille de Charlie et la mygale de Eli, les Sisters prennent du retard. Pire, un événement inattendu va encore plus les ralentir. Mais passons.
Car le passage à Mayfield est absolument génial. Entre la découverte d'un Eli fétichiste, mais aussi qui est l'homme de la ville (hilarant), puis le coup des ratons laveurs, la vache, quel passage. J'ai mis un moment à piger pourquoi Charlie parlait de Raccoon (j'ai pu voir le film en VOSTFr), avant de voir en quoi étaient les couvre-chefs des hommes de Mayfield. Ici, il y sera question d'un déluge de violence, avec toujours ces coups de feu qui ne manqueront pas de vous faire sursauter (véridique, j'ai sursauté comme rarement).
Mais le pire est que ce n'est pas fini, et si les 2 heures du film passent rapidement, pour se terminer de façon calme, il y a un passage digne de Danny Boyle. C'est à dire qu'alors que les personnages semblent enfin heureux, un événement va tout faire basculer, et même faire partir le film dans l'horreur pure. Le coup de la formule qui tue, impressionnant. Enfin bon, pas de spoiler, mais sachez que ça part en sucette de façon assez violente, presque choquante. Et que la fin met en avant Eli, sa force, son courage.
En fait, je suis sorti de ce film sans savoir trop quoi en penser. Ce n'est pas un Western. Les fusillades sont trop choquantes et violentes pour cela, il n'y a rien d'amusant ou de classe ici. La violence est crue, limite viscérale, et ce n'est pas si mal que cela. Pire, la bande son est loin d'une bande son habituelle pour ce style de film. En fait, on se retrouve avec une tranche de vie de mercenaires, parmi les meilleurs des U.S.A. dans les années 1850, qui s'avèrent être frères. Tout ceci sur fond d'expansion économique de ce pays qui deviendra la première puissance mondiale un siècle plus tard. Je crois bien avoir vu pour la première fois les murs préfabriqués de maison ou commerce se déplacer en charrette, mais aussi une explication de ce qu'est la conquête de l'Ouest. Et tout ceci dans jamais montrer des Natives (ou Indiens si vous préférez) ou même un seul train à vapeur. Une sacré performance.
Mais donc, je ne savais pas quoi penser de ce film, puis des images me revenaient en tête, et surtout, le côté protecteur de Eli, qui s'avère être le personnage marquant du film. Puis il y eu ce passage contre les hommes de Mayfield, puis ceux du Commodore, et la fin assez étonnante, sans explications, de cette entité. Avant, et je m'excuse du spoiler, de voir une fin en forme de happy end, mais pas dégueulasse comme une comédie, comme si Eli avait accompli sa tâche de grand frère. Enfin bon, allez voir le film pour comprendre.
En fait, je n'arrive pas à vous le conseiller ou pas. Personnellement, je n'ai pas adoré, j'ai juste aimé. Pourtant, le film m'a marqué. Je ne compte pas le revoir, et je suis très heureux d'avoir pu le voir en VOSTFr. Les scènes de fusillades ne sont pas gore comme chez Tarantino dans "Les huit salopards" ou "Django Unchained" mais chez Jacques Audiard elles sont pourtant plus choquantes, plus marquantes. Ce son des pistolets est assourdissant, marquant une fois de plus. La violence est là, mais sans offrir du gore. Pourtant, un passage sombre, même horrible sera là avant la dernière ligne droite. Bref, un film surprenante, pas immense, qui ne nécessite pas d'être revu, mais qui pourtant s'avère être marquant. J'ai aimé sans adoré, et pourtant, j'ai envie de vous le conseiller, c'est une expérience à vivre je pense. Par contre le rythme est un peu mou, mais ceci ne gêne pas du tout. À vous de voir si vous voulez tenter le coup en fait. J'ai aimé.
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