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Cultivons la curiosité

La vie scolaire

La vie scolaire

C'était il y a deux ans. Fabien Marsaud s'essayait à la réalisation aidé par son ami, lui-même réalisateur, Mehdi Idir (alias Minos). "Patients" avait été une claque impressionnante pour une première. On y découvrait une transposition du parcours de Fabien Marsaud, son expérience avec le milieu hospitalier, et sa découverte du monde des gens à mobilité réduite. Il avait, pour l'occasion, écrit le scénario avec l'aide de Fadette Drouard.

Cette fois-ci, et même si celui que l'on connaît sous le nom de scène de Grand Corps Malade a grandi juste à côté de ce collège à Saint-Denis, c'est Mehdi Idir qui s'inspire de son expérience. Les deux réalisateurs signeront ensembles le scénario de "La vie scolaire". Regardons-en la bande annonce.

Vidéo de FilmsActu

Samia Zibra (Zita Hanrot) est une toute jeune fonctionnaire de l'éducation nationale. Elle a choisi un poste de conseillère principale d'éducation (CPE) dans un collège en zone d'éducation prioritaire (ZEP) de Saint-Denis. On assiste donc à sa rentrée, au début avec la réunion des professeurs, et nous allons la suivre tout le long de cette année scolaire qui s'annonce mouvementée.

Comment une jeune femme d'Ardèche, dont la mère a des relations au ministère de l'éducation, a-t-elle pu choisir cette zone difficile ? Par amour des élèves ? Certes, mais pas seulement. Vous découvrirez cela durant le film. Ce dernier débute donc par la réunion post-rentrée des professeurs. Où l'on constate que qu'ils sont aussi dissipés que leurs futurs élèves. Ça parle, ça râle, ça chouine même sur les emplois du temps, bref, le parallèle entre le monde des adultes et celui des futurs étudiants est très bien fait. Et il sera encore mieux exploité plus tard dans le film, avec une fête se déroulant en des lieux différents, mais qui montre que les élèves et les professeurs sont assez identiques dans leurs comportements.

En attendant, Samia apprend ce que sont les Sop, ou sans options, qui sont rapidement catalogués comme les "cancres". Quoiqu'il existe une classe encore pire. Celle qui contient les laissés pour compte, ceux qui ne comprennent pas grand chose, sont indisciplinés, pour lesquels il faut une classe spécifique pour essayer de leur offrir un minimum d'éducation. Mais ce n'est pas sur cette classe que se concentreront les réalisateurs.

La 3ème Sop se retrouve prise en main par Messaoud (Soufiane Guerrab), le professeur de mathématiques, mais aussi prof principale pour cette année importante. En effet, le brevet des collèges arrive, et c'est surtout une croisée vitale qui s'engage avec l'orientation à donner à son avenir pour tous ces élèves. Nous découvrirons Issa (Moryfère Camara), Kévin (Gaspard Gevin Hié), et surtout Yanis (Liam Pierron). Samia percevra un potentiel puissant en Yanis, mais ce dernier ne cesse de se poser des questions. Ces dernières sont intelligentes et montrent la perspicacité du jeune homme.

C'est à travers ce personnage que l'on comprendra pourquoi certains élèves sont malgré tout en échec scolaire. La faute à un sentiment d'absence d'avenir. Il n'y a qu'à voir sa réaction quand la jeune CPE lui indique qu'il faut avoir le BAC pour aller dans une filière pouvant l'intéresser. En même temps, nous pourrons voir comment Dylan (Alban Ivanov) et Moussa (Moussa Mansaly), les pions, gèrent tout ce petit monde, et comment ils se détendent avec des jeux un peu...limites.

Moult problèmes sont abordés, frontalement, et toujours sur ce ton normal, juste, correct et respectueux. Pas d'esclandre inutile dont les drames Français sont friands. Pas de "forçage" de larme dans les scènes dramatiques. Pire, les réalisateurs/scénaristes se permettent de rendre comiques des scènes gênantes. Des scènes durant lesquelles nous ignorons si il faut rire ou pleurer. Je pense à ce père de famille convoqué par Samia car son fils a dansé en classe. Le moment est gênant, et pourtant, dans la réalisation, le jeux des acteurs et de l'actrice, nous n'avons pas envie de détourner le regard, pire, on en sourirait presque avant de se rendre compte que non, ce n'est pas drôle.

C'est assez délicat à expliquer c'est vrai. Mais quand il s'agit d'être sérieux, alors là on peut dire que le film sait être sérieux. Comme quand Dylan fait une réflexion déplacée sur la mère d'une élève, les deux étant "habillées comme des putes". Le surveillant se fera immédiatement recadrer par la CPE. Qui lui expliquera en quoi il n'est pas drôle.

Il y a aussi une absence de manichéisme. Ici pas de bonne ou de mauvaise personne. Je pense pourtant à Thierry, le professeur d'Histoire/Géo, qui se retrouve détestable grâce à l'interprétation top de Antoine Reinartz. J'ai toujours beaucoup de respect pour les acteurs et actrices qui arrivent à jouer un rôle que l'on va détester. Pourtant, les réalisateurs ne prennent pas partie, au contraire, ils lui donnent raison sur quelques points que vous verrez le long du film. Mais je n'en révélerai pas trop.

En parallèle, on verra aussi le corps carcéral, c'est assez rapide, mais marquant. Ce moment où le condamné ose parler d'empathie à sa compagne parce que, dixit, c'est lui qui va souffrir en faisant 6 ans de prison, là aussi la réalisation est incroyable et juste. On comprend mieux ainsi ce que peuvent ressentir des femmes de détenus. Une fois de plus, c'est bref, mais intense.

Sinon, l'humour est pas mal présent, parfois grinçant, mais efficace. Je repense à cet élève qui est mythomane, quand Samia fait un "état des lieux" de ses "performances", on se retrouve partagé entre rire et crainte pour son avenir. Je ne me remets pas du coup de l'antilope. Sinon les réalisateurs font aussi un tour par la cité. Avec ses revendeurs de drogue et autres soucis. Un personnage sera marquant car fera office de grand frère à Yanis. Seikou (Bakary Diombera) est un jeune de 20 ans toujours bien fringué mais qui ne semble pas faire grand chose de ses journées. Il est pourtant pété de thune. On pourrait croire qu'il offre un exemple à Yanis, mais ce dernier sait qu'il ne faut pas dealer. Seikou a beau être lui-même dans cette situation, il a un objectif, avoir assez d'argent pour lancer un petit commerce. On devine que vu que les banques ne veulent pas lui prêter d'argent, il le trouve seul.

On découvre ainsi que si les élèves sont parfois dissipés, voire toujours dans l'affrontement avec l'autorité, c'est uniquement par manque d'ambition, mais aussi de compréhension du système. Ainsi, Yanis est intelligent, ouvert à son monde, mais il ne croit pas en son avenir. Ceci lui fait se demander à quoi sert tout ça ? Après tout, il n'intégrera jamais d'écoles supérieures, et même si il obtient son Bac, qui va vouloir accueillir un jeune de banlieue ? Son foyer est relativement stable, sa mère aimante et attentive. Son entourage l'élève parfaitement bien, pourtant il n'arrête pas de se demander à quoi sert tout ça ? En ceci, ce personnage est extrêmement touchant, et son interprète Liam Perron (pas acteur professionnel pourtant) parfait. D'ailleurs c'est le cast lui-même qui est excellent. Les élèves sont des jeunes de Saint-Denis, ils sont eux-mêmes et ceci offre une authenticité bluffante sur grand écran.

En fait, j'ai envie de dire plein de chose sur ce film, j'ai envie que vous alliez le voir, j'ai envie que vous... euh, on écrit j'ai envie ou j'ai envi ? Bon, voilà. Si vous avez aimé "Patients". Allez-y. Si vous n'avez pas aimé "Patients"... hein ? Quoi ? C'est possible ? Ah bon. On est sur le même ton juste, sans prétention ni jugement, donc vous risquez de ne pas aimez. Allez-y quand même, dans le doute. Et si vous n'avez pas vu "Patients", oui, ça arrive, même au meilleur.e. Bah allez-y. Comme Jean. Si vous n'avez pas la référence concernant ce pilote de Formule Un des années 80-90 (Jean Alesi), bah mince quoi. En 111 minutes (joli chiffre) Mehdi Idir et Fabien Marsaud apporte un éclairage efficace sur la vie dans un collège de Zep. Avec des élèves attachants, qui font des bêtises, qui ont leurs travers. Mais aussi un corps éducatif qui ne cherche pas forcément à les anéantir encore plus. Mention spéciale à la réponse divine de Messaoud, concernant les problèmes qui ont toujours une solution. C'est marrant parce que quand je suis dans la merde, je me dis toujours "chaque problème à sa, ou ses, solution/s".

Un film juste, jamais lassant, jamais voyeur, ne jugeant jamais. L'exécution est parfaite. Dire que j'ai oublié le professeur de sport (pardon, j'ai oublié le nom du personnage et ne peut donc pas citer l'excellent acteur l'interprétant) qui invente des sports à se tordre de rire. Enfin bon, on passe rapidement du rire aux larmes sans que jamais on ne nous impose quoique ce soit. C'est, à l'instar de "Patients", parfait, réjouissant. Les spectatrices et spectateurs ne sont pas prises, ou pris, pour des connes (et cons donc). Le film n'est pas complexe, mais il n'est pas prémâché non plus. Un régal. Rendez-vous est pris dans deux années auprès de cet exceptionnel duo de réalisateur. Génial. Je ne vous ai pas dit, mais allez-y.

@+

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