Cultivons la curiosité
Aujourd'hui, dimanche 11 juin 2023, est un jour spécial pour la plus connue des courses automobiles. En effet, vers 16h00, heure de France métropolitaine, ce sera l'arrivé de la 91è édition des 24 heures du Mans. Rien de bien remarquable me direz-vous ? Sauf que la toute première épreuve eu lieu le weekend des 26 et 27 mai 1923. Par un habile calcul mathématique, on constate que l'édition 2023 célèbre les 100 ans d’existence du double tour d'horloge le plus célèbre au monde.
Steve McQueen sort du succès de "Bullit", et on le sait, il aime l'automobile, et plus particulièrement la course automobile (mais aussi de moto). Contrairement à James Dean ou Paul Walker, ce n'est pas cet amour des voitures qui vont vite qui aura sa perte. Plutôt l'industrie du tabac qui rendait cool n'importe qui dans les années 50-60-70-80. Mais passons. Je ne suis pas docteur après tout. Donc, Steve McQueen, via sa société de production Solar Production, se met en tête de faire un film sur la Formule Un. Malheureusement le script de "Grand Prix" lui échappera au profit de John Frankenheimer (en 1966). Après avoir rongé son frein et obtenu un succès avec "Bullit" donc, il met en chantier un film ambitieux.
Le principe est simple. On va se concentrer sur un homme, une course, un weekend. Point. Le plus important étant d'être au milieu de la folie d'une course automobile, et quoi de mieux que la plus prestigieuse, la plus exigeante, la plus exotique aussi (pour les U.S.A. j'entends) ? Ainsi, les 24 heures du Mans auront droit à un film. Mieux, après avoir fait des repérages poussés sur l'édition de 1969, l'équipe du film engage une voiture au sein même de la course l'année suivante. Offrant des images embarquées exceptionnelles. Tantôt tournées après la course, tantôt pendant. Les images de foules, par exemple, sont issues de la course de 1970. Regardons la bande annonce, sobre, qui ne raconte pas grand chose.
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Les images de la foule se rendant au circuit de la Sarthe arrivent en début de film. Impressionnantes. Il était quasiment impossible, pour le (pourtant confortable) budget du film, de faire une telle organisation. Et en fait, si la bande annonce vous paraît vide, c'est à cause de cette volonté affichée par l'acteur principal, un homme, une course, un weekend. Difficile de développer des personnages autour de cela, surtout quand on sait que 60% de l'heure cinquante du film est composée d'image de course. Voire plus.
En effet, nous suivrons Michael Delaney (Steve McQueen) se rendant sur le circuit du Mans, pour faire une sorte de repérage, on ne sait pas bien au début. Dans la ville du Mans, il y voit Lisa Belgetti (Elga Andersen), sans pour autant s'arrêter pour lui parler. En effet, elle est la veuve du pilote Piero Belgetti, qui s'est tué l'année précédente sur ce circuit, suite à un accident avec notre héros. Ce dernier va d'ailleurs rendre un hommage à son adversaire disparu en observant une barrière de sécurité neuve, qui marque le funeste lieu.
Ici, il n'y a encore eu aucun dialogue. Rien. J'ai vu ce film en version originale sous titrée en français, et c'est marrant d'entendre les diverses ambiances, française, allemandes (chez Porsche, l'écurie du héros), italiennes (pour Ferrari) et anglaises, car les pilotes s'exprimeront en partie en anglais. Alors qu'un speaker nous indique qu'il y a 110 pilotes, 55 voitures, de différentes catégories, le déroulement de la course aussi, on sent la tension monter.
Tout ceci dans le moindre dialogue. La course débute, avec des effets de ralentis pas terrible, et un bruit assourdissant lors du départ. Dès lors, nous allons suivre la course, avec, en parallèle, la vie du paddock, comment les pilotes gèrent leur phase de repos. Les ennuis mécaniques, les accidents, et Delaney qui va essayer de parler à Lisa, cette dernière lui en voulant un tout petit peu pour la mort de son mari.
Le premier dialogue intervient tardivement en plus, genre 20 minutes après le début du film il me semble. Et on nous montre le monde de la course automobile de façon crue. Alors, c'est en 1970 (le film est sorti en 1971), donc les règles sont différentes, les infrastructures, publicités, sont datées, mais ça possède un charme malgré tout. D'autant que la version BluRay est sublime. Si en dehors de la course, l'histoire nous montre comment les pilotes gèrent l'aspect dangereux de la celle-ci, ainsi que leur entourage, le plus intéressant reste la façon de filmer la course.
Avec des caméras embarquées, et des plans assez impressionnants pour l'époque, surtout lors du tour final, où les voitures se frôlent. Il y a une façon de filmer la course qui est spectaculaire, mais réaliste. Oui, certains accidents sont exagérés, quoique lors de l'accident d'une des Ferrari, le bonus du BluRay explique que ce n'était pas prévu que la voiture télécommandée ne détruise le panneau publicitaire.
Le problème vient que, justement, on s'ennuie. Delanay se base sur la charisme de Steve McQueen, et c'est tout. On ne s'attache pas vraiment aux pilotes. Même les rivalités sont amicales. C'est bête à dire, mais ici les pilotes se respectent mutuellement, ce qui ne créé pas trop de tension. On a par moment des images de course, mais où il ne se passe rien. Alors, quand on aime les automobiles, c'est un régal de voir les voitures chasser de l'arrière, d'entendre ce bruit monstrueux, de voir les mécaniciens s'afférer lors du ravitaillement.
Mais comme film d'action, c'est vide. Mou. Pas vraiment intéressant aujourd'hui. Nous sommes à la limite du reportage même (merde, je constate que c'est une critique du film qui est sur wikipédia). On ne s'attache jamais aux personnages, donc lors de l'accident grave, on ne réagit pas des masses, pire, on se moquera presque du ralenti hyper mal géré, avec arrêt sur image et tout le toutim.
Pour voir la célèbre course dans un film un peu plus dynamique, on s'orientera sur "Le Mans '66" de James Mangold, qui enrobe l'histoire du combat Ford contre Ferrari (qui est d'ailleurs le titre original) dans les années 60, avec le point d'orgue qu'est l'édition de 1966 des 24 heures du Mans. On y perçoit même l'héritier moderne du film de 1971 réalisé par Lee H. Katzin.
Mais alors, pourquoi "Le Mans" a-t-il cette aura de film culte, et vaut-il le coup d'être vu ? Si son côté hors course n'est pas foufou, il permet d'en voir les coulisses, avec un côté documentaire que seule une captation de la vraie course pouvait offrir. Les phases d'action en elles-mêmes sont par moment un peu lente, mais les caméras embarquées offrent des sensations dingues. Dommage, il manque un peu plus de dynamisme au film pour vraiment capter l'attention des spectatrices et spectateurs modernes. Après, au moins, il n'y a pas trop de sensationnalisme.
Bon, oui, les accidents sont spectaculaires, mais fait avec de vraies voitures. Et hormis le crash de la Ferrari, qui explose au ralenti, il n'y a pas d'abus ici. Un film à voir une fois si on aime la course automobile, pas forcément que les 24 heures du Mans. Mais qui ennuiera les personnes indifférentes aux sports mécaniques. J'ai aimé, car j'ai été subjugué, comme "Bullit", par la façon de filmer la course. Le reste, c'était sympa de voir des images d'archives de qualité, mais le manque d'attachement aux personnages fait cruellement défaut. Sympa, à voir une fois.
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