Cultivons la curiosité
La fin des années 90 et le début des années 2000 montrèrent au monde la vision assez spécifique qu'ont les Japonais de l'horreur. Nous ne nous risquerons pas à dire que tel ou tel film fût le départ de cette vague horrifique venue de l'archipel, mais dire que "Ring" (prononcé "Ringu", Lineguou, en japonais) fait partie des film marquants de cette vague, ça, nous pouvons.
À la base, c'est un roman de SUZUKI Kôji qui paraît en 1991. Il faudra attendre 1998 pour voir NAKATA Hideo mettre en image le scénario de TAKAHASHI Iroshi qui adapte ledit roman. Le film tardera à venir en France, vu que sa date de sortie est en avril 2001. On notera que la même année, dans l'Hexagone, sortira un certain "Battle Royale", lui aussi figure emblématique de cette vague horrifique, qui était pourtant sorti en 2000 au Japon.
Alors, je voulais citer des films d'horreur japonais, et je me rends compte que seul "Ring" est de la fin des années 90, le reste étant sorti au tout début des années 2000. "Dark Water" (du même NAKATA Hideo), "Ju-On" (de SHIMIZU Takashi, aussi connu sous le nom de "The Grudge") et donc "Battle Royale" de FUKASAKU Kinji sont sortis entre 2000 et 2002 au Japon. Si en plus on ajoute évidemment MIIKE Takashi (avec notamment "Audition", de...1999), nous pouvons bien parler d'une grosse vague.
C'est bien joli tout ça, mais nous dérivons du sujet du jour. Le fameux anneau, qui n'a pas de seigneur et est encore moins parcouru par Masterchief (désolé si vous n'avez pas les références). Je me souviens avoir vu ce film en version pas très propre. Je veux dire, au début des années 2000, internet est encore en bas débit, il n'y a pas les services de vidéos en ligne (même YouTube n'existe pas), et pour voir un film, il y a le cinéma, la vidéo et la télévision. Ou le piratage. Ainsi, j'ai découvert "Ring" en DivX, soit dans une qualité encore plus mauvaise que les cassettes vidéos dudit film.
Mais qu'est-ce donc qu'une cassette vidéo ? C'est en posant cette question que l'on se rend compte que le film ne va certainement plus faire aussi peur aujourd'hui qu'à l'époque. C'est un gros support magnétique grâce auquel nous pouvions voir des films à la maison. Je me souviens encore de l'événement que fut, en 1992, l'arrivé du premier magnétoscope dans le foyer familial. Et malgré ce problème de support, je peux vous garantir que le film reste terrifiant. Mais regardons la bande annonce, qui est en version originale sous titrée en français, soit de la façon dont j'ai revu ce film.
Vidéo de tchernomush
Tout débute par une soirée classique. Deux lycéennes (pas du tout sexuées contrairement à la version étasunienne) discutent. Les parents de Tomoko (ÔSHIMA Yôko) sont à un match de Baseball, et elle fait part d'une terrible chose à Masami (SATO Hitomi). Il existe, dans la province de Izu, une terrible malédiction. Parfois, sur les ondes télévisuelles, un étrange programme est diffusé. Ce programme fût enregistré sur une cassette vidéo (ne m'embêtez pas avec le fait que vous ne sachiez pas de quoi il s'agit), et quiconque la regarde en entier se retrouve maudit (ou maudite).
En toute fin de visionnage, le téléphone sonne, systématiquement. Ceci marque le début de la dernière semaine des téléspectateurs et téléspectatrices. 7 jours plus tard, heure pour heure, ils et elles décèdent par arrêt cardiaque dû à un traumatisme violent, comme en témoigne leurs visages déformés.
C'est rigolo ces légendes urbaines, mais en attendant, Tomoko s'amuse avec son amie, lui indiquant qu'elle a vu cette vidéo avec son petit ami et un autre couple de camarades. Avant de se raviser. Surtout que bon, ça ferait pile une semaine dans quelques minutes, faudrait pas trop rire de ça. Encore plus quand le téléphone se met à sonner dans le foyer occupé par les deux seules amies.
Heureusement, ce n'était que les darons qui indiquent avoir du retard. Les matches de baseball peuvent être longs. Masami a une envie pressante, après ce coup de flippe, rien de surprenant. Laissant Tomoko seule, elle ignore que justement, son amie n'était pas si seule. Via un effet qui peut ne plus faire peur aujourd'hui, on voit le visage déformé de Tomoko, sans connaître la raison de cette peur. Nous avions tout juste vu la télévision s'allumer seule auparavant.
Voici comment s'introduit de façon posée le récit. Dès lors, ce sont 90 minutes qui vont s'ajouter à ces 5 minutes introductives. L'occasion de découvrir Reiko (MATSUSHIMA Nanako), mère divorcée qui travaille pour un journal local. Elle aime bien enquêter sur des histoires paranormales à priori. Son fils Yoichi (OTAKA Rikiya) est indépendant, maman étant une femme active, elle n'est pas toujours là pour s'occuper de lui. Seulement, le décès récent de sa nièce, Tomoko (oui, oui, la lycéenne du début du film), va lancer la journaliste sur une piste qui pourrait la mener à sa mort.
En fait, le film s'offre peut de passages horrifiques à proprement parler. Tout y est question d'ambiance. Dans le Japon de la fin des années 90, tout paraît un peu gris, terne. Le rythme extrêmement lent du film pourra rebuter. Seulement, il participe, avec la réalisation sobre, mais efficace, à l'ambiance pesante. Plus Reiko avance dans son enquête, plus elle va découvrir une histoire triste et violente. Pire, vu qu'elle finira par trouver ladite vidéo, et que forcément, elle l'a vue, elle embarquera son ex-mari (et papa de Yoichi) Ryuji (SANADA Hiroyuki) dans l'enquête.
Ce dernier est professeur universitaire, et un peu extra lucide. Ceci sera bien pratique pour "voir" le passé. La vidéo, soit dit au passage, n'est pas terrifiante, mais l'aspect parasité de la cassette vidéo (il faut avoir connu ce support pour comprendre), les sauts bizarres, plus le fait que la caméra n'apparaisse pas dans le miroir, et bien ça la rend terrifiante.
Comme le film en vérité. Sur tous les longs-métrages d'horreur vu durant ce mois d'octobre 2022, c'est le plus terrifiant. Le plus choquant. Oui, "Massacre à la tronçonneuse" est horrible, mais je trouve qu'il n'a pas hyper bien vieilli. De plus la direction des acteurs et actrices n'était pas top. Ici, tout repose sur le jeu de la distribution. La musique peu présente accentue l'ambiance malsaine, non, pas malsaine, malaisante, j'ignore comment le dire, mais ça ajoute du plomb à une chape déjà bien chargée.
J'ignore si c'est parce que j'ai connu le format vidéo. J'ignore si le fait qu'une vidéo dégueulasse puisse maudire ses téléspectateurs et téléspectatrices, peut effrayer la jeune génération. J'ignore si le rythme extrêmement lent du récit (le film donne l'impression de durer 2h30) peut capter l'attention des plus jeunes. Mais ce film possède une ambiance atypique de certains films asiatiques. Une vision différente de l'horreur. Où l'on en montre peut, mais le peu que l'on montre est marquant.
Ici, oubliez le sang, oubliez les jumps scares (passages qui vous surprennent d'un coup), même si il y en a un peu. Tout est plus psychologique. Le passage final dans le puits, la fameuse scène qui arrive à la fin, où Sadako (INÔ Rie) sort de la télévision, qui pour le coup marche encore de nos jours, malgré le poste cathodique. La vision de cet œil révulsé. Bref, j'en révèle trop, mais c'est un film d'enquête qui voit sa fin monter d'un coup en pression alors que le rythme était lent, mais un peu angoissant.
Oui, je n'ai pas eu une peur immense, mais ce film est ce que l'on peu appeler comme un film terrifiant. Qui donne froid dans le dos, et provoque ce que l'on nomme la "peur bleue". Vous avez, le fait que vous soyez tellement atteint (ou atteinte) psychologiquement, que votre cerveau vous fait imaginer des présences derrière vous. Le truc qui vous fera suer, alors que c'est juste votre chat qui va chier dans sa caisse. Ou le vent qui fait battre les volets, et que votre cerveau imagine tout autre chose.
Film d'une efficacité étonnante, grâce à sa direction d'acteur et d'actrice, il faudra s'accommoder de son âge qui pique un peu à l'écran, mais aussi du rythme lent. Laissez-vous porter par l'enquête, et apprêtez-vous à avoir un sommet terrifiant à la fin, qui en vérité ne fonctionne que si l'on est bien dans le film. Dernier point, fuyez la version étasunienne, ou, tout du moins, regardez-la après. C'est une vision typique d'Hollywood, où il faut tout montrer, tout expliquer, et où les actrices sont des bombes (les lycéennes du début). Bref, si possible préférez l'original, plus lent, mais indéniablement plus efficace. J'ai adoré.
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