Cultivons la curiosité
Sorti il y a 5 ans en France (le 9 mars 2016), "Room" fait partie de ces films inspiré de faits réels. Ici, Emma Donoghue scénarise son propre roman de 2010 qui se base sur l'affaire Fritz. Une affaire d'inceste dans laquelle un père Autrichien enferme sa fille dans la cave insonorisée de la maison familiale et avec qui il aura plusieurs enfants. Cette affaire éclata en 2008, et on peut trouver de nombreux cas de séquestration, qu'ils soient incestueux ou non, à travers le monde.
En 2015 sort "Room", réalisé par Lenny Abrahamson, et qui va nous conter une histoire proche, mais d'un point de vue original que nous verrons un peu plus loin. J'ai pu voir ce film suite à l'opération, il y a quelques années, de Priceminister/Rakuten, qui offrait un film pour tout achat effectué lors d'une journée spécifique. Ceci afin de promouvoir l'offre de VOD Rakuten TV. Malheureusement il en est sorti que je n'ai pu voir ce film qu'en version française (VF) ce qui, malgré la qualité de cette dernière, atténue quelque peu la force de l'histoire je trouve.
Si vous comptez le voir, sachez plusieurs choses. Déjà, il dure presque 2 heures. Ensuite, évitez au maximum de regarder le bande annonce qui suit, ainsi que la fin de cet article. Non pas qu'il y ait de grosses révélations, mais ne rien savoir du déroulé du film peut rendre ce dernier encore plus puissant. Brie Larson obtiendra l'Oscar de la meilleure actrice pour sa performance, et effectivement, elle-même comme le cast sont impressionnant.e.s.
J'estime que ce film doit être vu, mais il faut connaître d'autres choses importantes. Il faut le voir de bonne humeur, et non pas fatigué. Réservez-vous 2 heures quand vous allez bien. Car il est rude, très rude. On ne voit pas de scènes violentes, enfin, physiquement je veux dire. Car moralement c'est très dur, très très dur même. J'avoue en être ressorti complètement chamboulé, je n'ai pas le terme. À tel point que j'ai dû regarder des clips des TWICE après, afin de me remonter le moral. Donc une fois tout ceci assimilé, voyons un tout petit plus en détail ce que raconte ce film, après la bande annonce en VF.
Vidéo de Universal Pictures France
Nous voici dans une chambre, avec une petite fille qui se réveille aux côtés de sa maman. En voix off, on devine en fait que c'est un petit garçon aux longs cheveux, et il nous invite dans son monde, en faisant le tour de son lieu de vie. La scène sera reprise à la fin, mais en sens inverse, au lieu de dire bonjour aux éléments de cette petite pièce, Jack (Jacob Tremblay) dira au revoir. Sa maman, Joy (Brie Larson), essaie de lui offrir une vie "normale" avec les moyens qu'elle a à sa disposition. Pas facile d'occuper un enfant de presque 5 ans alors que l'on a 10 ou 20 m² et une télévision pas top.
Étirements, yoga, petites histoires, ce n'est point aisé, et à travers tout ceci, on devine, en apercevant un digicode, que la famille est certainement ici contre son grès. Seule fenêtre sur le monde extérieur, un velux permet au moins d'apercevoir un brin de Soleil. Comme une ouverture sur l'extérieur et la liberté. Le long de l'introduction, on ressent tout l'amour qu'a Joy pour son enfant. Au point de lui faire un gâteau d'anniversaire afin de célébrer ses 5 ans. On saura un petit peu plus tard que cela fait 7 années que la jeune femme est enfermée par Vilan Nick, suite à sa volonté d'aider l'homme à retrouver son chien.
L'histoire se pose tranquillement, sur un rythme ni trop lent, ni trop rapide. On assimile les données... euh, c'est froid dit ainsi pardon, on assimile les faits au fur et à mesure, sans que l'on nous raconte obligatoirement tout de façon claire. On devine rapidement qu'ils sont enfermés, que leur tortionnaire vient tous les dimanche pour offrir un "cadeau" (on verra plus tard que c'est contre le viol de Joy que ces cadeaux arrivent).
La première apparition de Vilain Nick (Sean Bridgers) ne le montre pas totalement, et dans le temps, Jack va plus découvrir celui qui est son père biologique. Joy fait son maximum pour protéger son fils de leur bourreau, n'hésitant pas à agresser ce dernier quand il va vouloir poser son regard sur Jack. Et nous suivrons leur quotidien pendant bien 40 minutes, avant que Joy ne décide qu'il est temps de dire toute la vérité à son fils.
Jusque là Jack croyait que le monde extérieur n'existait pas, que la télévision ne montrait que des fictions, mais désormais il a 5 ans et les révélations de sa maman seront dures à entendre. Au point de se bloquer pendant un temps, avant finalement qu'il ne se décide à en apprendre plus. Ceci fait dire à Joy que ça ne peut plus durer, qu'il lui faut à tout prix trouver un moyen de s'en sortir. Pour cela, faire passer son enfant pour fiévreux paraît être un bon plan.
Plan qui échoue vu que Vilain Nick refuse de mener Jack à l'hôpital et emmènera des médicaments le lendemain. Changement de plan, l'enfant doit passer pour mort. C'est la seule solution. Mais Jack arrivera-t-il à se sortir de ce tapis et trouver de l'aide ? Ils ont 24 heures pour le préparer au plan de sauvetage qui intervient au tiers du film, voir un peu après. La scène de l'évasion est...poignante. Quand finalement Jack trouve de l'aide, non sans avoir manqué de peu se faire reprendre par son tortionnaire. Sa découverte du Soleil, de ce monde extérieur a failli lui faire perdre un temps précieux.
On saluera l'interrogatoire tout en douceur de la Policière (Amanda Brugel), qui arrivera à obtenir des informations précieuses alors que son collègue (Joe Pingue) le croyait échappé d'une secte. Dès lors, ce sera la libération de la petite famille, mais le monde d'après ne sera-t-il pas plus compliqué à gérer que ce train-train quotidien enfermé ? C'est ce que va nous raconter la seconde partie du film.
Car la reconstruction est difficile, mais Jack y arrive. Doucement, mais surement. Le problème réside plus dans Joy, qui n'arrive pas à gérer correctement cette libération. Elle a perdu 7 ans de sa vie, et semble affectée après avoir tenu pour son fils. Elle pourra compter sur Nancy (Joan Allen) sa mère et le compagnon de cette dernière, Leo (Tom McCamus), vu qu'elle s'est remariée. Ce dernier est juste excellent, il est en opposition totale à son père Robert (William H. Macy), qui semble avoir la bouteille facile et refuse de regarder Jack.
Je vais éviter de trop en révéler, donc nous allons voir un peu plus en profondeur la réalisation. Brillante. On suit en intégralité le point de vue de Jack. Il est de toutes les scènes. J'ai mis 1h30-1h40 à constater cela tant c'est subtil et parfaitement mis en scène. Je pense même que la caméra ne prend jamais trop de hauteur. Un peu comme si on regardait à travers les yeux de Jack. Je ne suis pas certain de cela, mais c'est l'effet que ça donne.
Je réfléchis, en fait il n'y a pas deux parties, mais 3. Le quotidien enfermé, l'évasion, puis la folie du monde d'après. Avec une histoire forcément médiatisée. L'entrevue de Joy marque un tournant violent, je ne vous raconte pas, mais la question de la journaliste (Wendy Crewson) est rude. Ce n'est pas de la maladresse là, c'est incroyablement à côté de la plaque et ceci montre le manque totale d'empathie des personnes extérieures à l'histoire.
On a ainsi une tonne de scènes marquantes. Et on constate l'ouverture au monde de Jack, avec ce dernier qui s'étend au fur et à mesure de sa propre ouverture à celui-ci. Le jeune enfant étant très méfiant envers les hommes au début. Le tournant étant cette scène du petit déjeuner avec Leo, qui agira de façon absolument parfaite. Et que dire de cette fin qui boucle la boucle. Même si je n'ai pas compris pourquoi la policière les fait passer par la maison de leur ancien bourreau alors qu'ils repartent par le portail du jardin.
La musique, la photographie, le cast, la réalisation, le scénario, tout s'imbrique pour nous montrer un film incroyablement puissant émotionnellement parlant. C'est pourquoi dans mon introduction je vous invite à voir ce film, mais en bonne condition mentale. Il va vous marquer. Prenant le point de vue d'un garçon naïf et innocent, on va suivre et comprendre ce que peuvent ressentir les victimes d'une telle horreur. On arrive à comprendre la réaction des personnages, et la débilité que peuvent avoir certaines personnes extérieures. Je pense surtout à la journaliste, au policier et au grand-père. La première posant la question de trop tandis que le deuxième ne prêtera pas l'attention nécessaire au petit garçon afin de comprendre son histoire. Je ne parlerai pas du dernier, complètement hors sol, complètement à côté de la plaque, incapable de regarder son petit fils.
Heureusement des personnages bienveillants interviendront. Le passant avec son chien, qui insistera en voyant ce petit garçon embarqué par un homme en pick-up rouge. Faisant fuir celui-ci et libérant Jack. La policière, juste parfaite, qui prendra le temps nécessaire pour interroger Jack, et qui en posant les bonnes questions et en réagissant rapidement, sauvera Joy. On pense aussi à Nancy et Leo, qui offriront un environnement idéal pour que Jack découvre ce nouveau monde en toute quiétude. Ainsi que pour que Joy se reconstruise. C'est ceci qui sera l'enjeu principal de la fin du film. On y découvre le choc post-traumatique, sublimement interprété par Brie Larson.
Il est difficile de trouver un défaut à ce film. Juste son côté rude psychologiquement parlant qui fera qu'une condition particulière est nécessaire pour le voir. Vous allez pleurer aussi. Pas un gros chagrin, mais les larmes coulent fréquemment tant c'est violent. Le jeune Jacob Tremblay est bluffant, Brie Larson aussi, et même l'intégralité du cast. Le tout est parfaitement mis en images sur un scénario écrit par l'autrice elle-même, ce qui n'est pas forcément signe de qualité, mais ici si. Ici c'est de qualité je veux dire. Un film à voir que j'ai adoré. La VF s'en sort super bien. À voir.
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