Cultivons la curiosité
Alors que j'aurai pu introduire cet article en disant "on prend les mêmes et on recommence", quelle ne fût pas ma surprise de constater qu'effectivement, Trey Parker et Matt Stone allaient prendre les mêmes, mais sans recommencer. Comprenez par là que l'aspect feuilletonnant des saisons précédentes semble avoir atteint ses limites et son paroxysme dans la saison 20.
Trop fouillis, trop complexe à suivre, partant dans beaucoup de direction et imposant la vision intégrale des 10 épisodes pour arriver à suivre, c'était surtout l'éclatement de la bulle initiale qui m'avait marqué. Kenny et Stan devenant beaucoup moins présents. Cette fois, tout en restant sur 10 épisodes de 22 minutes, plus d'histoire unique contée en 10 fois. On peut très bien prendre un épisode en cours, tout en n'étant pas trop perdu.e. Bon, les deux derniers épisodes, qui s'avère être en fait un épisode double, repartent dans les travers de la saison précédente, mais regardons une petite vidéo, justement issue du pénultième épisode.
Vidéo de Jarvis L'uzine A.16
Nous retrouverons enfin une narration plus calme. Avec des épisodes ayant un très léger fil rouge, mais qui ne dérange en rien. Ainsi, on débute par une critique de la dépendance auprès des assistants vocaux. Siri, Alexa, Cortana et j'ai paumé le nom de celui de Google. Les travailleurs ne manqueront pas de manifester contre cette nouvelle technologie, qui leur "vol' not' t'avail". Au passage, la version française reste impeccable, même si sur certains accents, c'est à la limite du cliché racial.
Pendant ce temps, Randy et Sharon (les parents de Stan), font une émission dans laquelle ils rénovent des maisons en détruisant systématiquement un mur. Gêné par les manifestation, Randy va tout faire pour trouver une solution, qui sera ridicule et hilarante, pour donner du travail à ces gens. On remarque ici que le drapeau des confédérés, à haute teneur raciste (surtout anti-afro-américain), est utilisé n'importe comment, et ceci exaspère Randy qui est dépité de voir que les blancs et blanches vont encore se voir insulté.e.s à cause d'une infime minorité.
Ce sera plus ou moins le thème de la saison d'ailleurs. Avec l'arrivée de Garrison/Trump à la maison blanche, les voix des dites minorités s'élèvent, le racisme que les blancs ont est plus visibles, et une certaine partie des caucasiens va s'offusquer de ceci, sentant qu'un faux raccourci va être fait par tout le monde. Ce raccourci craint par une caste un peu aisée est que parce que des blancs sont des connards de racistes arriérés, on déclare tous les blancs comme tels. En fait, ils ont peur de subir ce que eux-mêmes font subir aux minorités. Quand un membre de Daesh fait de la grosse merde, les regards des blancs ne se tournent-ils pas vers tous les musulmans, même si ces derniers sont innocents ?
Et c'est plutôt bien foutu pour le coup. Tout comme la relation passif/agressif entre Cartman et Heidi. La jeune amoureuse étant aux petits soins avec son connard de petit copain. Qui n'exprime pas ses sentiments, et fait même pire, la dénigrant auprès de ses amis, mais chialant et menaçant de mettre fin à ses jours quand elle le quitte. Tout ceci pour mieux avoir pitié de lui et revenir dans ses bras.
Ce fil rouge de la relation toxique entre Cartman et Heidi est passionnant et permet de comprendre pourquoi les gros connards passifs/agressifs arrivent à rester en couple. Ce sont des gros connards de manipulateurs, détestables en tout point, mais capables de jouer un double jeu afin de garder leur proie avec eux. On assiste à l'incompréhension des amies de Heidi, qui voient que Cartman est une merde toxique et donc elles vont rejeter Heidi. Ce qui va l'isoler encore plus.
Mieux, lors du deuxième épisode, on va parler de la nécessité du dialogue dans le couple, mais avec Tweek et Craig. Ce dernier voulant à tout prix que le premier arrête de paniquer pour un rien, quitte à y aller violemment. Alors qu'il suffisait juste qu'il l'écoute et essaie de comprendre ses sentiments pour que Tweek se sente plus en sécurité. Et non pas lui imposer sa façon de réagir. Je ne sais pas comment le dire, mais que cet épisode soit vu par des adultes ou des enfants, on en ressort en comprenant mieux les relations humaines.
Bon, en même temps, dans cet épisode, il y sera question du téléphone au volant. Avec des enfants systématiquement écrasés par des automobilistes peu scrupuleux/scrupuleuses. Avec ce message, "soyez un président, posez ce téléphone". Qui fait écho à la stupidité de Garrison/Trump qui cherche à tout prix à déclencher une guerre en tweetant de la merde. Cette fois c'est la Corée du Nord qui est visée. Ce qui provoque les angoisses de Tweek au passage. Un excellent épisode là aussi.
Pour le troisième épisode, on revient sur la crainte qu'ont les caucasiens, de se faire traiter de racistes. Quitte à effacer le passer. Marrant, la saison date de 2017, et je pense que le terme "woke" n'existait pas encore, car c'est un peu la définition de cette culture. D'effacer toute trace de maltraitance des minorités. La misogynie, le racisme. Après, j'espère que je ne dis pas une trop grosse connerie là. Je m'en excuse si je me suis trompé. En attendant, Randy veut à tout prix faire annuler le jour férié dédié à Christophe Colomb, car c'était un gros connard en fait.
La partie hilarante est qu'il ira jusqu'à téléphoner et insulter les habitants de Columbus (nom en anglais de Colomb) pour les insulter de vivre dans une ville qui porte le nom d'un connard. On va retrouver le "Coon et sa Bande" avec une volonté de se faire des zizis en platine ou un truc du genre. Car Netflix achète n'importe quel concept pour en faire des séries inédites, et Cartman a une idée, créer un univers du Coon, comme pour le Marvel Cinematic Universe (MCU). Quand Mark Zuckerberg va intervenir pour défendre le fait que Facebook diffuse des fausses informations (fake-news en anglais), on sent qu'il va morfler. Et c'est le cas.
L'épisode suivant relate une histoire qui pourrait parler des gangs et de la prison. Au lieu de cela, c'est dans une maison de retraite qu'elle aura lieu. Mais avec les codes de l'univers carcéral. Une dame âgée faisant régner la loi, et étant à la tête d'un immense trafic de drogue qui décime le monde des mascottes pour anniversaire d'enfants. Un job tellement insupportable que les personnes qui portent les costumes sont contraintes d'user de stupéfiant pour résister, quitte à mourir d'une overdose. Le cadre complètement différent de la maison de retraite (par rapport à la prison), mais avec les codes de l'univers carcéral, ça créé une opposition comique qui fonctionne parfaitement.
On aura ensuite un épisode sur la chasse aux sorcières, pas terrible j'avoue, puis une plus grande concentration sur la relation toxique entre Heidi et Cartman. C'est la dernière fois que nous voyons Heidi aussi douce et prude, car elle va changer du tout au tout à partir de l'épisode suivant. Celui-ci est d'ailleurs consacré à la recherche des jeunes porteurs de handicap, qui luttent pour le premier prix en science. L'occasion de revoir Minus et Cortex, euh, pardon, Nathan et Mimsy (forcément inspirés du dessin animé de la Warner Bros.), ainsi que Jimmy et Timmy. On y découvre le changement radical d'Heidi aussi. Un très bon épisode avec le retour de la NFL.
Reste l'épisode double, qui clôt la saison, et introduit même la suivante, vu que l'on s'achève, à l'instar de "Stranger Things" qui est parodiée ici, sur un cliffangher. Et on va retrouver ce problème de rythme, trop touffu, de la saison 20. Les idées fusent à 100 à l'heure, et les références sont de nouveau trop nombreuses pour toutes les saisir. Et ceci gâche l'expérience je trouve. Pourtant, on rigolera bien de la connerie de Garrison/Trump, le peuple canadien et Netflix prendront encore cher, et on retrouve ce côté de la personne qui découvre que ce qu'elle aimait, bah ce n'était pas drôle.
Ici, ce sera Kyle, qui se rendra compte que Terrance et Philippe ne sont pas drôles, pire, ils cautionnent le fait de péter sur des personnes innocentes. Ce qui force Kyle à fonder les Millenials Against Canada. Comme une génération qui découvre que ce qu'elle regardait et aimait dans les années 90, bah c'était raciste, misogyne, et laid, voire intolérable de nos jours (je pourrai ajouter homophobes, transphobes et moult choses peu ragoûtantes). C'est marrant, on dirait ma génération qui découvre que des personnes que l'on aimait sont des grosses merdes. Un peu comme Joss Whedon dont j'adore la création "Buffy contre les vampires", mais le mec est juste une sous merde (ceci est un exemple personnel, il n'est pas cité dans la série).
Bref, on trouve forcément un écho dans notre monde moderne, et même dans notre vie. Malgré ses 5 ans, la saison est encore actuelle, parlant de problèmes sociétaux qui perdurent encore, même sans Donald Trump. Le final de la saison est affreux, car il s'achève sur un cliffangher, et dit, de façon horrible, que tout repose sur les Blanc. Sans "s" car c'est une famille aisée fière d'avoir voté Trump dont on parle. On en peut s'empêcher de penser aux blancs qui se plaignent alors qu'ils ne connaissent pas un millième de ce que les minorités subissent. Quand Randy cherche à avoir à tout prix des origines de Natifs Américains, quitte à rouler une grosse pelle à un pauvre monsieur Natif, pour avoir de l'ADN dans sa bouche avant d'effectuer un prélèvement buccal, ceci prouve la stupidité des caucasiens à vouloir à tout prix attirer l'attention.
Donc, la perte du côté feuilletonnant n'est pas une mauvaise chose. On y parle harcèlement scolaire, relation entre collègues de travail (à se tordre de rire quand les habitants réagissent en vomissant), des couples dont les femmes subissent leurs conjoints passifs/agressifs, et finissent par s'isoler et changer drastiquement de comportement. On y voit aussi la volonté qu'ont les caucasiens à attirer l'attention, des questions de racisme, de misogynie, de "cancel culture" aussi (quand Kyle veut faire annuler Terrance et Philippe parce que les idées propagées ne lui plaisent pas). Il y a fort à faire.
Si le début est calme, permettant de bien comprendre de quoi on parle, les deux derniers épisodes accélèrent trop le rythme, ce qui est un peu dommage. Les idées foisonnant trop et perdant un peu le public je trouve. Ça reste très bon, et terriblement actuel. Bon point, on comprend mieux certaines choses, pas forcément claires. Par contre, il me semble que Kenny est encore une fois de plus en retrait.
@+
P.S. : Chronique écrite avant que Netflix ne perde les droits de diffusion de "South Park", désolé pour la confusion.